Un jeune mortel d’une beauté sans pareille
Vous avez probablement déjà entendu ce nom quelque part et les mots qui vous viennent à l’esprit sont peut être du champ lexical de la beauté. Si c’est le cas, alors vous êtes sur le bon chemin. Adonis (Ἄδωνις en grec ancien) est traditionnellement le fils de Cinyras, roi de Chypre, et de sa fille Myrrha. Cela fait de lui le petit-fils d’Apollon. Cependant, il est tout à fait mortel. Il n’a donc pas de pouvoir spécifique à une divinité, mais Adonis représente la nature de par la symbolique de son mythe. Le jeune homme est très lié à la déesse grecque de l’amour, Aphrodite (Vénus à Rome), devenant presque l’un de ses attributs : Adonis symbolise la myrte, l’une des plantes sacrées d’Aphrodite. Il est aussi célèbre pour son destin éminemment tragique qui donna naissance à l’anémone pourprée ou la rose, selon les versions. Adonis est un personnage qui prend ses origines en Orient, son nom Adon signifiant « seigneur » ou « maître ». Il a donc également une signification royale. D’ailleurs, la fille d’Adonis et d’Aphrodite se nomme Béroé, qui donne son nom à la future capitale libanaise Beyrouth.
Les sources
Adonis apparaît dans plusieurs œuvres antiques qui délivrent globalement toutes le même mythe. Le premier auteur que nous pouvons citer est Théocrite, qui rédige les Idylles au IIIe siècle. Dans ce recueil poétique, il évoque la vie d’Adonis, de sa naissance à sa mort tragique, ainsi que ses relations amoureuses avec Aphrodite. De la même époque, Bion de Smyrne nous raconte les évènements qui surviennent à sa mort dans son Chant funèbre en l’honneur d’Adonis. On le retrouve aussi dans la Bibliothèque de Pseudo-Apollodore (que l’on place au IIe siècle), dans une version proche de celle du poète Panyasis d’Halicarnasse du Ve siècle, que nous avons perdue. Ce sont ensuite les auteurs latins du Ier siècle qui reprennent le mythe d’Adonis, comme Hygin dans ses Fables, et Ovide dans les Métamorphoses. Le nom d’Adonis reste le même, alors que celui de son amante change et devient Vénus, comme pour les noms des autres dieux. La trame du récit est toujours la même malgré les changements stylistiques. De nombreux autres auteurs évoquent le personnage par le biais des rites qui lui sont associés, comme Platon et Aristophane au Ve siècle ou Lucien de Samosate au IIe siècle après J-C. Ici, nous vous présenterons une version synthétisée du mythe, reprenant la majorité des éléments essentiels.

Le mythe
Notre récit commence sur l’île de Chypre, où le roi Cirynas règne pacifiquement et est accompagné de son fils Oxyporos et de ses filles, Euné et Myrrha. Un jour, la reine se vante que sa fille Myrrha est plus belle qu’Aphrodite elle-même. Sitôt dit, la déesse souhaite se venger d’un tel affront et s’y emploie en poussant Myrrha à tomber amoureuse de son propre père. La situation devient alors très compliquée : Cirynas veut marier sa fille alors que celle-ci est éprise de lui ! Après plusieurs tentatives de suicide, Myrrha ne parvient pas à réfréner son amour interdit et élabore un plan pour rejoindre la couche de son père. Avec l’aide de sa nourrice, elle parvient à entrer dans le lit de Cirynas alors qu’il est complètement ivre. Ces relations incestueuses se reproduisent plus fois, jusqu’à ce que le roi daigne enfin demander l’identité de sa partenaire de coït.
C’est alors qu’il comprend que la femme en question est sa fille. Il entre alors dans une rage folle, accentuée par le fait que Myrrha est tombée enceinte de son père. Cirynas tire alors son poignard et tente d’assassiner sa fille qui s’enfuit dans la forêt. Elle ne désire alors plus qu’être invisible aux yeux de son père et Aphrodite, qui a pitié d’elle, la transforme en un arbre à myrrhe. L’écorce de l’arbre s’ouvre alors (ou alors Cirynas la fend d’un coup d’épée) et laisse apparaître un bébé : Adonis. Ainsi, un enfant est né de cette union incestueuse et celui-ci est imprégné des forces de la nature.
Lorsqu’Aphrodite aperçoit Adonis, elle ne peut que remarquer son infinie beauté et tombe irrémédiablement amoureuse de lui. Elle décide alors de prendre soin du bébé en le cachant dans un coffre, qu’elle confie à Perséphone, la reine des Enfers, afin qu’elle l’éduque en secret. Cependant, cette dernière tombe elle aussi amoureuse d’Adonis ! Le jour où Aphrodite descend aux Enfers pour récupérer l’objet de son amour, Perséphone refuse de lui rendre Adonis, devenu son amant. Un conflit les oppose alors et la seule personne qui peut départager ce genre de situation est Zeus. Ce dernier se dédouane alors complètement de l’affaire en la confiant à la muse Calliope entourée d’un tribunal divin.

Il est donc décidé qu’Adonis passerait autant de temps avec Aphrodite qu’avec Perséphone : dans l’année, il passera quatre mois avec chacune et quatre mois seul, pour se reposer. Toutefois, Adonis, de son propre chef ou par le biais d’un stratagème magique de la part d’Aphrodite, décide de passer son temps libre avec cette dernière. Ainsi débute un cycle représentant les saisons, car l’hiver vient lorsque le jeune homme est aux Enfers. Son passage vers le monde des vivants est vu comme une résurrection du personnage.
Adonis et Aphrodite débutent alors une relation passionnée et la déesse s’abandonne totalement à lui :
caelo praefertur Adonis (« au ciel elle préfère Adonis ») – Ovide, Les Métamorphoses (10, 532)
Tout va bien jusqu’à ce jour terrible où le jeune homme, passionné de chasse, arpente les bois à la recherche d’un sanglier. D’habitude, Aphrodite l’accompagne dans cette activité pour veiller à sa sécurité, mais ce jour-là, elle n’est pas présente. Adonis réussit à débusquer l’animal et à le blesser, mais celui-ci parvient à l’entailler mortellement à la cuisse. Aphrodite, aux rennes de son char ailé, très haut dans le ciel, entend les gémissements d’Adonis et se rend immédiatement à ses côtés. Malheureusement, ce dernier se meurt et il rend son dernier souffle sans même savoir que la déesse l’a embrassé pour la dernière fois. La blessure d’Adonis était douloureuse, mais ce n’est rien en comparaison avec la déchirure qu’Aphrodite ressent dans son cœur. Des gouttes de sang versées sur le sol naît l’anémone pourprée ou la rose.

Il existe plusieurs versions des raisons de la mort d’Adonis et chacune d’elles implique une vengeance divine :
- Perséphone apprend qu’Adonis passe son temps libre avec Aphrodite et décide de ruiner leur histoire en allant raconter à Arès, amoureux de la déesse de l’amour, qu’elle lui préfère Adonis. Celui-ci, furieux et jaloux, met le sanglier féroce sur le chemin du jeune mortel.
- Apollon se venge d’Aphrodite pour une histoire antérieure, car elle a rendu aveugle son fils Erymanthos qui l’a accidentellement vu nue dans son bain ou qui a espionné le couple qui faisait l’amour. Apollon aurait donc changé son fils en sanglier pour qu’il tue Adonis.
- Artémis peut être la meurtrière d’Adonis, du fait de sa jalousie vis à vis des talents de chasseur du mortel.
Bibliographie
- Frazer James George, Adonis : Étude de religions orientales comparées, Paris, Geuthner, 1921.
- Hamilton Edith, La Mythologie, Alleur, Marabout, 1940.
Adaptations
- Adonis est un Webcomic (bande dessinée disponible sur Internet) de Delitoon qui met en scène un conflit entre Ianna et Arhad sur fond d’intrigue amoureuse. Le récit implique la mort, puis la résurrection d’un personnage, ce qui rappelle le mythe d’Adonis.
- Adonis est un personnage du manga Berserk. Fils du frère du roi de Midland, Julius, sa vie est stoppée très tôt lorsque Guts (le héros) tue son père. Adonis arrive sur les lieux et se fait malencontreusement tuer par Guts qui s’en veut énormément d’avoir tué un être si innocent.
- Le personnage d’Adonis est très présent dans la littérature, notamment moderne. Jean de la Fontaine est l’auteur d’un poème intitulé simplement Adonis, dans lequel il raconte l’histoire tragique de l’amant d’Aphrodite. Jean-Baptiste Rousseau reprend aussi le personnage dans un poème tandis que Guillaume le Breton en fait une pièce de théâtre.
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