La grande déesse aux yeux pers
La déesse Athéna (Αθηνη en grec) est l’une des douze divinités olympiennes des Grecs. Ses fonctions symboliques principales sont la sagesse, la stratégie guerrière et l’artisanat. Nous pouvons également ajouter à cela un rôle de protectrice, non seulement des cités (comme Athènes), mais aussi des héros, comme nous le verrons par la suite. La justice peut également entrer dans ses attributions au sein de l’Olympe.
Ses attributs sont multiples, mais chacun symbolise un aspect de la déesse. Tout d’abord, l’égide, son équipement sacré (un bouclier ou un plastron), sur lequel est représenté la tête de Méduse. C’est un symbole de souveraineté incontestable que le regard de la Gorgone illustre : quiconque regarde l’égide est « changé en pierre », donc tout le monde ploie devant Athéna. C’est ce que l’on appelle un Gorgonéion, c’est-à-dire un dessin au pouvoir pétrifiant (dans le monde réel, symboliquement, bien entendu). Son deuxième attribut le plus important est l’olivier, arbre qu’elle a offert à la cité d’Athènes et qui est particulièrement cultivé en Grèce. Le reste de son équipement la caractérise également : sa lance et son casque, toujours à ses côtés sur chaque représentation qui est faite d’elle. Enfin, elle est souvent accompagnée de sa chouette de l’espèce chevêche dont le nom scientifique en latin rappelle sa maîtresse : Athene noctua. L’un de ses attributs est également la chasteté et c’est à ce titre qu’elle est la plus importante des trois déesses vierges, aux côtés d’Artémis et de Hestia.
A Rome, Athéna est identifiée à Minerve avec qui elle partage quasiment les mêmes fonctions. Elle est la protectrice de Rome et fait partie de la triade capitoline, les dieux les plus importants pour les romains.
Fonctions et Attributs d’Athéna
Athéna possède plusieurs surnoms ou épithètes qui lui sont attribués en fonction du rôle qu’elle joue dans un contexte précis. Nous pouvons établir une liste non-exhaustive :
- Παλλάς, Pallas (qui remplace parfois son nom complet et reprend ses caractéristiques de base),
- Γλαυκῶπις, Glaukôpis (aux yeux pers, brillants ou de chouette),
- Παρθένος, Parthénos (vierge),
- Νίκη, Nikè (victorieuse),
- Πολιάς, Polias (gardienne de la cité),
- Πολύϐουλος, Polúboulos (bonne conseillère),
- Ἀτρυτώνης, Atrytoné (invincible),
- Εργανη, Ergané (patronne des potiers).
Athéna est donc une touche-à-tout qu’il est très utile de prier. Elle patronne plusieurs corps de métiers comme par exemple les potiers, les sculpteurs, les tisseurs, les artistes en général et les professeurs. Elle recevait également de nombreux noms en rapport avec les cultes pratiqués comme par exemple les Apatouries (Athéna Apatouria) ou encore en lien avec les lieux comme l’Agora (Athéna Agoraia). Un culte très important lui était bien évidemment rendu à Athènes, notamment au niveau du Parthénon et de l’Erechthéion (abritant la statue d’Athéna armée, le Palladium). Nous pouvons également parler des cités de Tirynthe, de Tégée, de Rhodes ou encore de Sparte qui possèdent toutes des sanctuaires dédiés à la déesse.
La Naissance d’Athéna
Contrairement aux autres dieux, Athéna ne possède qu’un seul parent : pas parce qu’elle n’a jamais connu sa mère, mais bien parce que son père l’a enfanté seul ! En effet, Zeus a « accouché » de sa fille par le crâne. Mais revenons un peu en arrière pour comprendre les origines de ce récit.

Zeus est du genre à vouloir séduire tout ce qui bouge. Ainsi, lorsqu’il croise la route de la titanide Métis, il n’a qu’une envie : s’unir à elle. Toutefois, Métis est rusée et peut se métamorphoser à volonté, ce qui complique la tâche au dieu des dieux. Cependant rien n’échappe longtemps aux ardeurs de Zeus qui met finalement la main sur Métis et la rend enceinte. Au même moment, un oracle annonce à Zeus que cet enfant est une fille, mais que si Métis enfante une nouvelle fois après celle-ci, ce serait un fils qui détrônerait son père qui naîtrait. En matière de régicide et de détrônement, Zeus s’y connait : il décide donc de remédier à ce problème sans attendre. Il feinte donc de s’unir une nouvelle fois à Métis mais à la place l’avale d’un seul coup avec sa bouche. Ainsi, c’est la fin de Métis et de l’enfant qu’elle porte…
Du moins c’est ce qu’il croyait. Un jour, alors qu’il se promenait aux abords du lac Triton, Zeus a un sacré mal de crâne. Une douleur sans précédent lui taillade la tête et il a l’impression qu’elle va exploser. Aussi se met-il à crier de toutes ses forces, à tel point que le monde entier l’entend. Hermès arrive sur les lieux le premier et comprend tout de suite ce qu’il se passe : il invite Héphaïstos à venir en aide à leur roi au plus vite (selon une autre version, il s’agit de Prométhée). Le dieu forgeron saisit alors son marteau et ouvrit une brèche dans le crâne de Zeus, afin qu’il puisse libérer ce qui s’y trouvait : Athéna, habillée et armée de la tête aux pieds. A partir de ce moment, la sage déesse devient l’enfant préféré de Zeus.
Athéna n’a donc concrètement pas de mère, mais nous pouvons lui attribuer la filiation de Métis, elle-même la personnification de la sagesse. Elle est une sorte de synthèse entre l’esprit de Zeus et Métis toute entière. Évidemment, cette naissance ne plait pas à Héra et de plus Athéna est jalousée de tous les autres dieux car elle est privilégiée par son père (c’est donc sa chouchou).
Les mythes
La création d’Athènes
La cité d’Athènes ne porte pas son nom pour rien. En effet, elle est étroitement liée à la déesse de la sagesse de par son mythe fondateur, son autochtonie. Athéna et Poséidon se disputent la protection de la cité d’Athènes et de sa région, l’Attique. Pour faire comprendre à tous les bienfaits dont il est capable, le dieu des océans frappe le sol de son trident et fait jaillir un flot d’eau qui vient remplir un puits près de l’acropole (selon d’autres légendes, il fait apparaître un cheval remarquable). Toutefois, Athéna ne se laisse pas faire : elle fait jaillir un olivier, le plus prisé des arbres de la Grèce. Ainsi, les athéniens choisissent Athéna en tant que divinité poliade, protectrice de la cité. Poséidon, furieux de cette décision, submerge alors Athènes sous les flots avant de s’apaiser devant les hommages qui lui sont rendus en guise d’excuse.

Un récit quelque peu différent implique une rivalité entre les sexes. A cette époque, les femmes auraient eu le droit de vote à Athènes. Justement, le choix entre Athéna et Poséidon doit se faire par suffrage et ainsi chacun vient donner son avis sur la question. Problème : tous les hommes sont pour Poséidon et toutes les femmes pour Athéna. La déesse l’emporte finalement car il y a une femme de plus que les hommes. Furieux, ces derniers décident donc de supprimer le droit de vote des femmes. Venant de ceux qui ont inventé la démocratie, ce n’est pas très classe…
Athéna la bienfaitrice
Une aide pour les héros
La déesse de la sagesse a été impliquée dans de nombreuses aventures et est très majoritairement d’une grande aide pour les mortels ou les demi-dieux.
Le jeune Bellérophon se voit recevoir ses bienfaits dans un rêve sous la forme d’un mors (un équipement d’harnachement) en or qui lui permet ensuite de dompter Pégase et d’en devenir le maître.
De même, elle est d’un grand renfort à Héraclès durant ses douze travaux : elle lui confie des cymbales d’airain pour effrayer les oiseaux du lac de Stymphale ; elle le guide à travers les Enfers lorsqu’il récupère Cerbère ; enfin elle accueille Héraclès à l’Olympe à la fin de sa vie. Pour la remercier, le demi-dieu lui offre les pommes d’or des Hespérides au cours de ses aventures.
De la même façon, il est impensable de parler du retour d’Ulysse à Ithaque (l’Odyssée) sans évoquer le rôle d’Athéna dans ce périple. En plus de lui accorder une protection permanente, elle aide Télémaque à retrouver son père en prenant la forme de Mentor.
Enfin, Persée reçoit une aide concrète de la déesse sous la forme d’un bouclier de bronze qui lui permettrait de voir le reflet de Méduse sans finir pétrifié. Elle va même jusqu’à guider son bras pour trancher la tête du monstre ! Pour la remercier, Persée lui offre la tête de la Gorgone qu’elle place sur l’égide.

Inspiratrice et inventrice
Athéna se soucie du bonheur des mortels. Aussi, elle leur offre souvent son aide pour découvrir des techniques et leur donner des idées lumineuses. Elle est celle par qui les Hommes apprennent à dompter les chevaux et à atteler les chars de guerre. Elle supervise également la construction de l’Argo dans le mythe des Argonautes. Athéna enseigne aussi à Dédale l’art de manipuler les métaux. Enfin, elle joue un rôle dans le milieu de la santé, offrant à Périclès une herbe pour sauver son ami et architecte Mnésiclès et à Asclépios le sang de Méduse, ayant des propriétés pouvant soit tuer soit rendre la vie.
Les châtiments dispensés par Athéna
Aglauros et Hersé
Athéna est une belle femme et elle fait nécessairement des émules parmi les dieux. Justement, Héphaïstos, pourtant marié à Aphrodite, tombe amoureux de la sage guerrière et projette en secret de s’unir à elle. Cependant, la parthénos n’a aucune envie de s’accoupler avec le dieu forgeron qui se met à la poursuivre, excité comme jamais. Tellement excité qu’Héphaïstos ne peut se retenir de jouir alors même qu’il n’a pas touché Athéna ! Sa semence vole jusqu’à la cuisse de la déesse aux yeux pers qui, dégoutée, nettoie cet affront à l’aide d’un tissu et le laisse tomber sur le sol terrestre. De ce fluide vital, mêlé à l’aura d’Athéna et aux ressources de la terre, Gaïa, nait un futur roi athénien : Erichtonios. Techniquement, c’est donc la déesse-mère Gaïa qui est la mère de l’enfant, mais elle refuse d’élever le fruit de cet odieux évènement.
Après la naissance d’Erichtonios La divinité de la sagesse décide donc d’élever seule Erichtonios. Toutefois, elle a plus urgent : cacher à Poséidon la naissance de cet enfant pour éviter qu’il ne la raille. Elle le cache donc dans une corbeille qu’elle confie au roi actuel d’Athènes, Cécrops, qu’il décide lui-même de donner à ses filles pour qu’elles en prennent soin. Néanmoins, elles ont l’interdiction formelle de l’ouvrir. Si Pandrosos parvient à réfréner sa curiosité, ce n’est pas le cas de ses sœurs, Aglauros et Hersé. Elles ouvrent alors le récipient sacré et y découvrent un enfant entouré d’un serpent horrible. Épouvantées et rendues folles par Athéna, elles se jettent du haut de l’acropole. Erichtonios, lui, devient plus tard roi d’Athènes et y renforce la prégnance du culte d’Athéna.
Arachné
La jeune Arachné est une lydienne, fille d’un teinturier (ou d’un paysan, ou d’un roi, selon les versions), qui est très douée dans l’art du tissage. Elle est si douée que tout le monde vient admirer ses œuvres et qu’elle ne minimise pas son arrogance à ce sujet. Athéna, déesse patronne des tisserands et elle-même tisseuse de l’Olympe, entend parler d’Arachné et décide de lui rendre une petite visite. Pour cela, elle se change en vieille dame et aborde la jeune tisseuse en lui faisant une leçon sur la modestie. Cependant, Arachné se moque des leçons de la vielle dame et ose même dire que son travail est supérieur à celui des dieux. Quelle erreur !
Athéna reprend alors sa forme habituelle et défie Arachné dans un duel de tissage. Elles s’installent donc face à face devant leur métier à tisser et se mettent à créer. Lorsque les deux concurrentes ont terminées, Athéna présente son œuvre : un tissage splendide, digne d’une déesse. Toutefois, la création d’Arachné est encore plus belle. Athéna est ulcérée de ce résultat et décide de déchirer sa toile de haut en bas pour punir sa rivale. Humiliée et terrifiée, Arachné part se pendre. Prise de remords devant ce triste sort, Athéna décide alors de métamorphoser Arachné en araignée, afin qu’elle puisse continuer à tisser des toiles. La morale de cette histoire est qu’il ne faut jamais se comparer au dieux dans quelque domaine que ce soit : cette impiété est lourdement sanctionnée.

Méduse
Avant de devenir le monstre que nous connaissons bien (une Gorgone), Méduse était une femme magnifique. Elle est d’ailleurs considérée comme une figure primordiale, sœur des Grées tout en étant mortelle. Elle est si belle que Poséidon s’en éprend. Cependant, Méduse ne veut pas de lui, ce qui pousse le dieu des mers à commettre un acte horrible : il la viole au beau milieu du temple d’Athéna. Voyant son lieu sacré souillé de la sorte, Athéna se venge sur Méduse (évidemment…) et la transforme en monstre : ses cheveux se métamorphosent en serpents, son regard devient pétrifiant et des défenses de sanglier lui poussent sur le visage. Une autre version, celle d’Apollodore, raconte qu’Athéna aurait transformé Méduse en Gorgone car elle était trop fière de sa beauté.
Tirésias
Le devin Tirésias n’a pas toujours été aveugle. Il le devint après avoir surpris la déesse de la sagesse qui prenait son bain. Pour se venger d’avoir vu ce que personne d’autre ne verra jamais, elle pose ses mains sur ses yeux et le rend aveugle pour le reste de sa vie. Pour compenser ce châtiment terrible, elle lui offre le pouvoir de la divination.
Ajax
Il existe deux Ajax : le Petit et le Grand. L’un et l’autre ont subi la colère de la déesse.
Le petit, aussi appelé Ajax d’Oïlée, fit l’erreur de kidnapper Casandre alors qu’elle se réfugiait dans un temple d’Athéna. Pour venger cet affront, Athéna demanda à Poséidon de déclencher une tempête meurtrière sur son bateau et envoya la peste sur sa terre natale, la Locride. Cependant, Ajax ne meurt pas de la tempête et se retrouve sur les rochers de Gyras. Il déclare alors qu’il s’en sortira malgré les intentions des dieux. C’en est trop pour Poséidon qui frappe alors le rocher sur lequel il se tient et le fait tomber dans l’eau, le tuant sur le coup.
Ajax le Grand, héros grec lors de la Guerre de Troie, se dispute les armes d’Achille avec Ulysse. Athéna le rend alors fou et Ajax se met à égorger des moutons alors qu’il croie tuer les grecs. Lorsqu’il s’en rend compte, il se tranche la gorge. Ulysse devra insister pour qu’on lui rende une sépulture.
Les combats de la déesse
La Gigantomachie
Les Géants sont le fruit d’une nouvelle tentative de Gaïa pour détrôner son petit-fils Zeus. Ils ne sont pas moins de vingt-cinq à se dresser contre l’Olympe. Cependant, les dieux sont désormais assez puissants pour les affronter et les vaincre. De plus, ils sont aidés du très puissant héros Héraclès. Athéna combat le géant Pallas, qu’elle tue et ensevelit sous un rocher avant qu’Héraclès ne l’achève. Elle porte ensuite sa peau en guise de trophée et d’armure. Elle collabore une fois de plus avec le demi-dieu, fils de Zeus, pour vaincre Encelade et l’enfermer sous l’Etna.
La Guerre de Troie

Athéna participe au conflit légendaire de Troie en prenant le parti des grecs. La raison est simple : Pâris ne l’a pas choisi comme étant la plus belle des trois déesses en compétition. Athéna n’hésite donc pas à encourager ses poulains dans la guerre et même à s’y mêler en participant à la mêlée. Sur le champ de bataille, elle se retrouve confrontée à Arès, qu’elle terrasse facilement.
Sources
- Hésiode, La Théogonie,
- Homère, L’Iliade,
- Homère, L’Odyssée,
- Ovide, Les Métamorphoses.
Bibliographie
- Andrieu Gilbert, Athéna ou la Raison, Paris, l’Harmattan, 2017.
- Hamilton Edith, La Mythologie, Alleur, Marabout, 1940.
Adaptations dans la culture pop
- La déesse de la sagesse apparaît dans le manga Saint Seiya (en français, Les Chevaliers du Zodiaque) sous la forme de Saori Kido, sa réincarnation japonaise qui dirige l’ensemble des chevaliers de bronze, d’argent et d’or dans une lutte millénaire contre Hadès.
- Athéna est la mère du personnage d’Annabeth Chase dans les romans de la saga Percy Jackson de Rick Riordan. Elle se caractérise par son absence auprès de ses enfants et par sa grande intelligence.
- La divinité aux yeux pers est beaucoup représentée dans l’art, que ce soit en sculpture ou en peinture. Nous pouvons citer l’œuvre de Judy Chicago, The Dinner Party, ou la célèbre Pallas Athéna de Gustav Klimt.
- Les jeux vidéos se sont aussi appropriés Athéna comme par exemple God of War ou SMITE.

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